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les premières années

surger contre un état de choses dont ils avaient senti tous les inconvénients.

Chose curieuse, la loi qui réorganisait les conseils généraux fut vivement attaquée à l’extrême gauche, ce qui fit dire que « rien n’aime la centralisation comme un radical, à condition qu’il puisse s’en servir ». À gauche même elle sema des inquiétudes : M. Ernest Picard prévit des cataclysmes ; M. Thiers ne sembla pas favorable à ces hardiesses. Néanmoins la loi fut votée avec quelques amendements, tant on avait conscience de la justesse de ce mot de M. Ernoul : « Ne sentez-vous pas qu’en France les extrémités sont froides ? » M. de Tréveneuc, qui se souvenait du 2 décembre, proposa que les conseils généraux pussent suppléer, en s’unissant, la représentation nationale, au cas où celle-ci viendrait à être dissoute par un coup de force ; la question fut réservée[1].

Les premiers signes de notre relèvement n’avaient pas tardé à se manifester. Les questions qui d’abord s’étaient posées devant l’Assemblée avaient été des questions finan-

    més, il faut de l’air pour respirer, de la place pour vivre. Les petites communes (et elles sont innombrables) sont demeurées de vrais enfants : grande ou petite, d’ailleurs, aux yeux de la loi, toute commune est une mineure. Procès, travaux, revenus, voirie, vaine pâture, tout se rèqle au chef-lieu, voir même au ministère. » Jules Ferry, La lutte électorale en 1863.

  1. Elle fut résolue un peu plus tard dans le sens de l’affirmative. Il est peu probable cependant que l’occasion se présente jamais d’utiliser cette disposition, car elle suppose un coup de force s’opérant directement contre le gré de la nation. Aux environs du 16 mai, quelques conseils généraux envisagèrent officieusement, et très vaguement d’ailleurs, la possibilité de faire usage de la prérogative que leur donnait la loi Tréveneuc. Mais on ne paraît pas s’en être préoccupé plus tard lors de l’aventure boulangiste.

    Quant à la politique, on était fermement résolu à la tenir écartée des délibérations. Dès la session d’août 1872, quelques vœux politiques furent exprimés, mais en dehors des séances. Les débuts des conseils généraux furent, en somme, très modestes, pratiques et rassurants.