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mémoires olympiques

liste comme un rappel et une espérance. La question des drapeaux fut solutionnée comme suit : une flamme aux couleurs tchèques ou finlandaises surmonterait, en cas de victoire, les drapeaux autrichien ou russe. Il en fut ainsi, grâce à quoi les couleurs russes montèrent au mât ! Remarque que je me donnai le plaisir de faire au général Woyeikof à la fin des Jeux. Car il fut présent, le fameux général de cour, dont le rôle au seuil de la révolution devait être si discuté. Il fut présent à la tête d’une énorme mission de jeunes officiers, embarqués sur un vaisseau de guerre, et qu’accompagnait même un orchestre militaire de balalaïkas : ce, pour la plus grande joie de la grande duchesse Marie, épouse, depuis divorcée, du prince Guillaume de Suède et demeurée russe dans l’âme.

Ces détails, dont je me garderai de prolonger le récit, indiquent suffisamment que la ve Olympiade eut comme les plus beaux rosiers, des tiges épineuses ! En effet, quels entrelacs de difficultés diplomatiques, de petites intrigues personnelles, de susceptibilités à ménager, de vanités blessées, de pièges tendus sous la mousse. Il fallait vivre en éveil constant et deviner d’avance les incidents pour les empêcher de grandir. Telles furent les épines. Mais que dire pour dépeindre les roses ! Quelle floraison charmante ! Jamais l’été suédois n’avait mieux étalé les magnificences dont il est capable. Ce furent, cinq semaines durant, la liesse continue de la nature, le soleil étincelant à travers la brise de mer, les nuits radieuses, la joie des pavoisements multicolores, des guirlandes fleuries et des illuminations nuancées par l’éclat d’une lumière qui ne mourait jamais. Dans le cadre admirable de la cité, la gaîté générale