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faute d’un chemin de fer

tive de ce genre fût osée ; encore, est-ce à des initiatives privées que la France dut la mise en route de la glorieuse mission Foureau-Lamy. Dans l’intervalle tout avait changé. La Nigeria britannique, le Cameroun allemand s’étaient constitués avec accès au lac Tchad. Il avait fallu nous contenter — et encore grâce à l’exhumation opportune faite par M. Ribot de droits anciens et quasi oubliés que nos voisins avaient lésés en disposant entre eux du sultanat de Zanzibar, — il avait fallu donc nous contenter de ce que la convention de 1890 nous attribuait : à savoir une part abondante du Sahara mais une part assez mince du Soudan, part que les accords anglo-français de 1904 ont heureusement accrue. Enfin, au moment où la mission Foureau-Lamy touchait au but, les Anglais, occupés de leur côté à relier Le Caire au Cap, se fâchaient de trouver Marchand sur leur route ; et, ne pouvant les atteindre autrement que par une guerre maritime très coûteuse et risquée, force nous était d’obtempérer à leur ultimatum, nous contentant d’exiger des formes et de prendre notre temps. Pour comble d’ironie, le commandant Lamy allait être amené à dépenser son énergie, ses talents et finalement à verser son sang pour le bien de nos rivaux. À qui a-t-elle mieux profité, cette épopée du renversement de l’empire de Rabah qu’aux détenteurs de la Nigeria et du Cameroun ? Le royaume de Kouka dont il avait fait sa proie ne se trouvait-il pas en territoire britannique et Dikoa, sa capitale, en territoire allemand ? Certes nos possessions souffraient grandement de ses exactions, mais combien plus les leurs !

Le Transsaharien entrepris vers 1884 ou 1885 nous eût évité de voir passer en des mains adverses le Sokoto et le Bornou qu’on a si justement qualifié un des plus beaux morceaux de l’Afrique ; il nous eût donné le droit de négocier l’échange de Fachoda contre quelque terre fertile ou quelque privilège avantageux ; mais par-dessus tout il rendrait aujourd’hui — à nous et à d’autres — l’incomparable service d’assurer la paix générale. Non ! l’Allemagne qui se sait ou se croit plus forte que nous en Europe n’envisa-