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L’ÉDUCATION PHYSIQUE
AU xxe SIÈCLE



LA MÉMOIRE DES MUSCLES


La plus grave en apparence des objections que l’on pourrait faire à l’apprentissage sportif dont nous dressions l’autre jour le programme[1], c’est que les résultats auxquels il vise ne seront pas durables. Il restera de la force acquise et une bonne provision de santé, mais ce sont là des effets généraux qui s’obtiennent plus sûrement et plus aisément par la pratique de la gymnastique rationnelle et scientifique ; du moins, ses partisans s’en montrent convaincus. Par contre, cette connaissance de tous les procédés de sauvetage, de défense et de locomotion usités dans le monde moderne qui fera, disions-nous, l’homme débrouillard et sûr de lui, cette connaissance s’évanouira rapidement ; il n’en restera rien, le difficile étant moins de l’acquérir que de la préserver. Et à l’appui de l’objection, chacun se souviendra d’avoir maintes fois entendu des hommes encore dans la force de l’âge parler de leurs exploits d’escrimeurs ou de canotiers auxquels les soucis de la carrière ont mis fin, et ajouter d’un ton mélancolique qu’il leur serait impossible aujourd’hui de tenir un fleuret et de manier un aviron. La phrase effectivement est courante ; pour ma part, je la recueille si souvent que je suis saisi en l’entendant de la même hilarité dont s’animent nos potaches lorsqu’on leur sert doctoralement

  1. Voir le Figaro du 16 août.