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société d’économie sociale (séance du 18 avril 1887).

M. le Président exprime à M. de Coubertin tout le plaisir que l’assemblée a pris à écouter ce brillant rapport, dont les qualités solides n’ont exclu ni la bonne humeur, ni le charme littéraire. C’est une joie très vive de voir se révéler ainsi un véritable talent. Quant au sujet traité ce soir, Le Play y attachait une grande importance ; et ce que nous venons d’entendre confirme dans une large mesure ses observations.

M. Rondelet se demande d’abord si la durée de l’éducation anglaise n’explique pas quelques-unes des différences qui la distinguent de l’éducation française. Les études étant prolongées jusqu’à vingt-quatre ou vingt-cinq ans, on comprend qu’elles puissent prendre des allures inconnues chez nous, qu’elles laissent des loisirs, qu’elles permettent au sport de trouver une large place, qu’elles donnent le temps de composer ces hymnes grecs sur le mode de Pindare, qui ont fait l’admiration de M. Demogeot. En France, il semble qu’une préoccupation tout autre domine les familles, la crainte de ne pas voir achever les classes assez tôt. On ne veut pas être en retard. Mais en revanche, quand le bachelier est sorti du collège, il est trop jeune pour commencer cette vie active, qui sera plus tard remplie par des occupations professionnelles ; et il se trouve trop grand pour poursuivre des études littéraires et philosophiques, qu’il aurait grand besoin de compléter. Cette période mal employée, cette lacune funeste existerait-elle, si, comme en Angleterre, on ne terminait les études qu’au moment l’on peut entrer dans la vie réelle ?

N’y a-t-il pas une autre différence entre les deux pays dans la manière d’entendre les examens, de diriger les études ? Chez nous, on est trop porté à inscrire sur les programmes une longue liste d’auteurs. Le résultat c’est que les élèves ne les lisent pas, ne les connaissent que par les résumés des manuels, et, au lieu de puiser dans leurs études l’amour des modèles classiques, ils arrivent seulement à s’en dégoûter. Ils ne le connaissent pas plus qu’on ne connaît un tableau par la gravure d’Épinal qui le défigure ; mais ils croient n’avoir plus rien à apprendre des plus grands esprits qui honorent l’humamité. En Angleterre, le nombre des ouvrages dont on prescrit l’étude n’est-il pas plus restreint, afin qu’ils soient lus et connus directement ?

Il faut aussi appeler l’attention sur les avantages d’un système où l’enseignement et l’éducation se tiennent. L’homme qui enseigne est celui qui élève. Le professeur est seul, sans avoir à côté de lui ce pauvre homme, malheureux et méprisé, auquel nous ne savons quel nom donner. Il agit sur la volonté et sur l’intelligence. C’est une grande erreur de se contenter de la culture intellectuelle, et de né-