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Vous aurez donc à me procurer des collaborateurs convaincus et zélés, orientés vers l’horizon mondial (car s’il ne s’agissait que des légers abus existants en ce pays, il ne vaudrait pas la peine de s’y attaquer). Il faudra que ceux-ci prennent bien garde de maintenir l’observateur sur le sommet où je le place et de ne pas laisser les observations glisser doucement dans la plaine de la statistique : prendre contact, échanger des vues et accumuler des chiffres, c’est la grande utopie d’aujourd’hui, celle derrière laquelle peuvent se tisser indéfiniment les toiles d’araignées de la routine et de l’illusion. Gardez-vous de ce péril. Le vrai type du « Bureau international » de nos jours, quel qu’en soit l’objet, c’est le type météorologique : Surveiller l’atmosphère et dénoncer les modifications qui s’y dessinent du plus loin possible. Ainsi l’opinion peut être avisée de ce qui naît de périlleux (souvent pas ses propres fautes) et savoir à temps ce qu’il faut faire pour en neutraliser l’effet. Il n’est pas besoin que ceux qui administrent ces Bureaux-là se dépensent en enquête, en contre-enquêtes, en comparaisons et cherchent des inspirations de génie au fond de leurs tiroirs ; mais il faut qu’ils soient vigilants, d’une vigilance sans défaillance, afin que leur regard aigu sache pénétrer la brume et reconnaître au travers les contours véritables des choses. »

Du jeu à l’héroïsme

« Messieurs, en ce lieu, les souvenirs du Congrès de 1913 se font pour moi très vivants ; et je me rappelle ce propos du professeur Millioud qui en suivait les débats avec un vif intérêt « en somme, le sport est une forme d’activité allant du jeu à l’héroïsme et susceptible de remplir tous les degrés intermédiaires. »

« J’évoquais en débutant la silhouette d’un petit capitaine de football posé devant la vie à l’aurore des jours viriles. Ma pensée se détourne maintenant vers cette vallée qui s’étend derrière les monts neigeux. Là s’élève le monument d’un jeune sportif dont l’image devrait planer sur l’école à l’heure des mâles enseignements. Ce qu’il y eut de si grand dans l’aventure de Chavez, permettez qu’en terminant je le rappelle brièvement. La traversée des Alpes en avion passait alors pour un exploit presque surhumain et étant donné l’état de construction des appareils et l’entraînement des aviateurs, c’était bien la vérité. Chavez, entraîné à tous les sports et qui les avait délaissés pour l’aviation, était déjà monté à de grandes hauteurs. Ayant débuté en février 1910, il avait atteint six mois plus tard ses 2 587 mètres. À ces vols, il prenait, comme ses émules, un plaisir extrême. Mais cette fois le jeune péruvien devait faire connaissance avec ce qu’il connaissait pas, la peur. S’essayant au parcours terrible, il était rentré à Brigue, tout haletant. « Tu trembles, carcasse, s’écriait le grand Turenne, tu tremblerais bien davantage si tu savais où je te mènerai demain ». C’est pourquoi le 23 septembre 1910, cuirassé de vaillance, ivre de vouloir, Chavez, persuadé qu’il courait à la mort mais préférant tout à un recul, s’engagea dans les gorges où il devait