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Page:Coubertin L utilisation pedagogique de l activite sportive 1928.djvu/5

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De plan sportif au plan moral

« Sur la médaille de pénétration sportive africaine instituée à mon instigation il y a quatre ans, j’ai fait graver cette inscription concise comme le permet la langue latine : Athletae proprium est seipsum noscere, ducere et vincere, le propre de l’athlète est de se connaître, de se gouverner et de se vaincre. Voilà un texte qui peut sembler prétentieux puisqu’il reflète à la fois Socrate et Saint-Paul. En tous cas, on ne saurait le prendre en défaut de vérité. L’athlète qui veut conquérir par un entraînement persévérant la palme que ne lui assurent pas des qualités naturelles tout à fait exceptionnelles est conduit à la triple obligation d’apprendre à se connaître, à se gouverner et à se vaincre. Doit-on en conclure que tout athlète est voué ainsi à la perfection morale ? Nullement, car ces qualités-là demeureront enfermées dans le cirque étroit de l’ambition localisée. C’est à l’éducateur à les en faire sortir pour les étendre à la personnalité entière ; c’est à lui à les transposer en quelque sorte du domaine simplement technique au domaine général. Pour cela, il n’est pas indispensable qu’il soit lui-même un pratiquant du sport : certes, cela vaudra mieux. Croyez qu’il en acquerrait un prestige de bon aloi. J’ai vu il y a quarante ans les élèves d’un des principaux public-schools d’Angleterre, le collège de Clifton, près Bristol, en grande liesse à la nouvelle que le headmaster que les trustees venaient de leur donner avait, étant étudiant, sauté six pieds. La possession de ce record d’alors accroissait singulièrement à leurs yeux son autorité professionnelle. »

« Les proviseurs français dont je viens d’évoquer la mémoire n’en étaient pas là, mais ils n’avaient pas dédaigné de se mettre au courant de la technique sportive, de s’intéresser aux succès de leurs élèves, de se mêler à eux, de présider leurs réunions et combien souvent, à l’exemple de mon illustre ami le P. Didon dans son collège d’Arcueil, ne les ai-je pas entendus développer ce thème — ancien et toujours neuf — de la transposition des qualités athlétiques du plan sportif au plan moral et louer ce muscularisme de l’âme dont, quarante ans plus tôt, Arnold et Kingsley avaient