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prime ; il ne veut pas concevoir d’autres mécanisme intellectuel ; il l’applique à tout.

Ces critiques peuvent paraître forcées si l’on évoque quelques esprits supérieurs capables de s’élever au-dessus des brumes mais la moyenne est, en maints pays sinon en tous, en proie à de tels errements. Or chez le journaliste les conséquences s’en amplifient, grossissent. Que les gens soient myopes, passe encore s’ils ont un presbyte pour les conduire mais le conducteur est-il myope lui-même, voilà l’allure retardée et nombreuses les bifurcations dans les impasses. Alors si même aucune réforme ne pouvait être espérée, il faudrait à tout prix en opérer une au profit du journaliste. Pour lui, c’est une question dominante. Il faut faire de lui une manière d’aviateur, lui en donner la mentalité et les habitudes. « Une vue à vol d’oiseau » se disait naguère pour signifier quelque chose de très vaste mais en même temps d’un peu confus et trompeur. Nous ignorons ce qu’observe l’oiseau en parcourant l’espace mais, depuis qu’il vole lui-même, l’homme s’est rendu compte que nulle façon meilleure n’existait de reconnaître une région et il a inventé ce mot : survoler — si plein de sens et de force. Proche est l’heure l’expression s’appliquera aux choses de l’esprit, où les domaines de la connaissance seront à leurs tours survolés. Ce sera une grande révolution pédagogique et une révolution bienfaisante. Mais il ne faut pas attendre pour en mettre les bienfaits par quelque initiative anticipée à la disposition du journaliste.

Comme, aux derniers temps de la guerre, je causais de ces choses avec M. Jean Dupuy, l’ancien ministre, longtemps le chef des grands syndicats de presse, je fus amené à dire que si quelques universités entreprenantes s’adjoignaient des facultés de journalisme, il en résulterait promptement une élévation heureuse de niveau au sein de cette profession. « C’est tout-à-fait mon avis, prononça M. Jean Dupuy. Il n’est plus temps pour moi d’amorcer cela mais si vous le tentez vous aurez rendu à tous un service immense. » Le moment n’était pas propice car peu après, Paris se trouva une seconde fois sous la menace ennemie ; maintenant rien ne serait plus opportun.

Pourquoi une faculté d’université plutôt qu’une école professionnelle ? à cause des diplômes ? Non point. Les diplômes ne jouent en cette affaire qu’un rôle de second plan. C’est l’atmosphère qui importe. Celle d’une école professionnelle sera toujours imprégnée de préoccupations de métier et il n’est pas certain qu’un bon journaliste ait besoin d’apprendre théoriquement tous les détails de fabrication et de vente du journal. Par contre, il lui faut apprendre à faire manœuvrer