avec rapidité et précision ces machines intellectuelles qui se nomment : la déduction et la comparaison, à surveiller le fonctionnement de ce poste de télégraphie sans fil qui s’appelle l’intuition, à bien ordonner et administrer le service des archives mentales dont la mémoire est l’indispensable bibliothécaire… L’ambiance universitaire est seule capable d’y réussir surtout si l’étudiant se présente pour un stage qui n’a pas besoin d’être bien long, ayant déjà pris un premier contact avec son métier. C’est alors qu’il aura le plus de chances de se débarrasser du microbe qui déjà est en lui comme il est d’ailleurs en chacun de nous, le microbe du cancer contemporain dont l’art, les lettres, les sciences elles-mêmes sont les victimes et auquel la presse est en quelque sorte le bouillon de culture, je veux dire le microbe du sensationnel.
C’est là un cadeau que l’esprit américain fit à l’univers. Triste cadeau ! J’ai tant de fois eu l’occasion de louer l’esprit américain mal compris et mal jugé en Europe que je n’ai aucun scrupule à le critiquer lorsqu’il s’agit de ce mauvais germe dont il est porteur et contre lequel le vieux monde n’a pas eu la vigueur de se défendre alors que les moyens de défense ne lui manquaient pas. Au cours de mes études sur l’histoire américaine, j’ai observé qu’à l’origine rien de pareil n’existait au-delà de l’océan. Ni la période coloniale, ni la période Washingtonienne n’en contiennent trace. Les premières présidences se déroulent sans que s’affirme cette aspiration à surprendre, ce…… excusez-moi, il n’y a qu’un mot d’argot qui puisse traduire la chose : ce besoin d’épater le monde…… non rien de semblable jusqu’au jour où les conséquences de la fondation du Kentucky, c’est-à-dire du premier état continental, viennent désaxer la nation naissante. L’orientation nouvelle sera l’œuvre d’une poignée d’aventuriers affolés de « magnitude », de « grandiosisme », qui ne voient plus l’Europe, qui regardent vers l’ouest indéfini, qui se grisent des senteurs de la prairie et, dans le cerveau desquels peut-être, une réminiscence de la pieuse ambition territoriale soudainement apparue.
Lorsque très promptement le rêve se trouva réalisé, que la république géante étendit son impérialisme d’un océan à l’autre et que la solution de la crise esclavagiste eût noblement consolidé ses assisses, une vitalité magnifique commença de faire sentir ses effets. Et la concurrence poussée à l’excès s’en suivit. Ce fut le second élément du phénomène que j’analyse à grands traits ; d’une part, l’étendue des ambitions transportées de la nation à l’individu ; de l’autre, la facilité à satisfaire ces ambitions par l’abondance des occasions.