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iv
PRÉFACE

Fabliau charmant ! Par exemple, il nous démontre l’inadmissible prétention de La Fontaine, avançant que c’est lui qui fait parler un langage nouveau aux bêtes. Ce langage était dans la bouche du loup d’Esope six cents ans avant l’ère chrétienne ; et sauf le « je tête encor ma mère » on retrouve dans les anciens auteurs les répliques du fort et du faible données comme étant de sa composition. Quoi de plus exquisement naïf que le plaidoyer de Pierre Blanchet ; les a parte sont malicieux au possible[1]. Nous lui préférons la narration de notre poète, tout simplement parce que l’ancien français nous est peu familier.

Un temps viendra où nos successeurs liront aussi avec hésitation les fabulistes du dix-neuvième siècle. En ce temps-là, l’œuvre de La Fontaine, l’œuvre par excellence, taxée de divine, subsistera-t-elle entière ? Il est permis d’en douter. Pour qu’elle ne subisse pas la loi générale il faudrait deux choses : d’abord fixer la langue française dès aujourd’hui, ensuite l’imposer à tous les peuples, triomphe des classiques, exclusivement réservé aux langues mères reconnues utiles à l’étude approfondie des langues

  1. Le Corbeau et le Renard, Le Vieillard et ses enfants, Le Loup et le Chevreau, L’Enfant et la Fortune, Les Animaux malades de la peste, Le Rat de ville et le Rat des champs sont riches en détails chez Blanchet, Corrozet, Babrius, Avien.