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de l’utilité des études chinoises

Stanislas Julien sur la ramie, la porcelaine, les mûriers et vers à soie ; mais elle doit faire autre chose encore. Le commerce en Chine s’est fait jusqu’ici au moyen de compradors, indigènes parlant quelque peu l’anglais ou plutôt cette langue mixte que l’on nomme pidgin english, et servant d’intermédiaires obligés entre les maisons européennes et les maisons chinoises pour toutes les transactions ; employé par un commerçant étranger qui lui donne des appointements fixes et une commission sur les affaires conclues, le comprador doit tous ses soins aux intérêts de son patron ; non seulement sa connaissance du marché lui permet de faire le commerce pour son propre compte, bien plus sa position moyenne entre deux parties incapables de s’entendre directement, l’expose à de dangereuses tentations auxquelles il est loin de toujours résister, majorations de prix, pots de vin reçus, renseignements fournis à la partie adverse trouvent place, d’ailleurs, plus souvent au détriment de l’étranger que du commerçant chinois. Les maisons européennes ont donc intérêt à se passer d’intermédiaires toujours coûteux, parfois dangereux, et il ne semble pas que les maisons chinoises aient avantage à les maintenir, car à elles aussi ils sont onéreux. À l’époque où le commerce de Chine donnait aux princes-marchands des bénéfices considérables, on pouvait négliger ces détails ; il n’en est plus ainsi. Pourquoi les Français n’apprendraient-ils pas le chinois pour aller faire des affaires en Chine, comme on apprend l’anglais ou le russe pour aller en Russie ou en Angleterre représenter des maisons de commerce ? Avec une intelligence moyenne et de l’application, un jeune homme peut en un petit nombre de mois se mettre en mesure de rendre des services par sa connaissance de la langue : le premier service sera de surveiller le comprador et de le tenir en bride, plus tard un autre service sera de rendre sa présence superflue ; si l’on sait s’y prendre, le comprador disparaîtra, non pas en un jour, mais graduellement et sans lutte, et l’on entrera en rapports directs avec les grandes maisons chinoises. D’ailleurs, tout est plus facile à celui qui parle le chinois, il trouve naturellement accès auprès des mandarins, sans passer par les interprètes indigènes qui ne forment pas encore une classe, à la différence des compradors : or toute maison importante a sans cesse affaire avec les mandarins, soit pour des litiges ou des questions de douane, soit pour des commandes officielles. Des Allemands ont les premiers compris l’avantage de parler directement aux Chinois ; il en est qui se sont mis courageusement au travail, malgré des circonstances rebutantes, et qui, parlant la langue, connaissant les hommes, ont pénétré jusqu’auprès des vice-rois ; des affaires lucra-