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le théâtre en chine

telle ou telle échéance. La condition des esclaves acteurs est inférieure à celle des esclaves domestiques, et la loi écrite, qui n’intervient pas dans la cession d’une personne humaine à un propriétaire ordinaire, l’interdit si elle est faite en faveur d’un « maître de troupe » ou d’un entrepreneur de prostitution ; — d’ailleurs, on tient peu de compte de la défense formulée par le code.

Vêtus, logés, nourris par le maître, qui leur enseigne ou leur fait enseigner l’art théâtral, les jeunes acteurs commencent par balayer la scène, préparer les accessoires, puis ils rendent des services comme figurants et enfin ils remplissent des rôles ; quand ils ont du talent, ils sont une fortune pour leur maître, qui ne leur donne aucun salaire. Les cadeaux que les amateurs riches ont coutume de faire aux acteurs qui leur ont plu, leur permettent cependant d’amasser un pécule. Un « maître de troupe » dur et avide, qui a sur son esclave droit de châtiment et droit de suite, trouve mille moyens, il est vrai, de s’approprier les générosités des spectateurs ; mais les choses ne vont pas à cette extrémité aussi souvent qu’on pourrait le croire, car le maître a intérêt à ménager sa poule aux œufs d’or ; et puis, quelle que soit la cupidité de gens d’une classe aussi peu recommandable, un Chinois apporte en ses vices comme en ses qualités une volonté moins tendue que ne ferait un Européen. D’ailleurs, un homme riche qui veut protéger un acteur peut ne pas lui remettre directement les sommes dont il veut lui faire présent il les dépose à son nom dans une banque ou dans un établissement similaire, en prenant les précautions qu’il croit nécessaires contre la prodigalité du bénéficiaire et contre la cupidité du maître. Avec son pécule, l’acteur se rachète ; plus favorisé sur ce point que l’esclave domestique, il ne peut être retenu contre sa volonté, s’il offre la somme exigée par le régisseur, somme parfois assez élevée, 500 taëls ou davantage : — le maître, en effet, fixe lui-même le montant d’après ses convenances et le talent de l’esclave, car il n’est pas tenu par le prix porté au contrat d’achat.

Une fois affranchi, l’acteur de talent, dont le nom[1] attire15 Mai 1900

  1. Nom réel, — tel que « Hoang le troisième », — ou nom de guerre, — « le Génie rouge », par exemple.