Page:Courant - Le Théâtre en Chine, 1900.pdf/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
341
le théâtre en chine

du Palais ; on affecte à leurs représentations une salle située dans les jardins de plaisance de l’Empereur ; elle est appelée le « Jardin des Plaisirs réunis ». Ils y jouent les pièces dramatiques et comiques du répertoire ordinaire ; on dit que l’Impératrice douairière aime surtout les farces où l’on met en scène la vie quotidienne du peuple. Le théâtre est certainement le seul moyen, pour les augustes personnages cloîtrés dans le Palais, de se faire une idée du monde extérieur ; mais il ne semble pas qu’ils en sachent profiter ni qu’ils apprennent mieux à connaître ce monde dont la direction est dans leurs mains et dont les rites les séparent complètement. L’Empereur récompense ses comédiens par des gratifications ou en leur octroyant un bouton dans la hiérarchie spéciale de la troupe : — car si quelques eunuques obtiennent un rang officiel, ceux qui sont acteurs n’y peuvent prétendre. Un jour, l’empereur Hien-fong témoigna sa satisfaction d’une manière étrange il fut tellement frappé du jeu d’un acteur, qu’il lui fit donner vingt coups de bambou pour avoir ému trop violemment Sa Majesté.

Quant aux auteurs, presque tous sont des acteurs, car ceux-ci sont à peu près seuls à connaître les règles de la composition et de la poésie dramatiques. Aussi les pièces composées par les non initiés ne sont-elles généralement pas jouables, comme il arrive pour un grand nombre de celles qu’on trouve dans les recueils. Après avoir écrit une nouvelle pièce, l’auteur cherche d’abord à obtenir l’approbation de quelques acteurs renommés, auxquels il lit et explique son œuvre ; s’il peut s’entendre avec un maître de troupe, la pièce est apprise et mise en répétition pendant deux ou trois mois ; on donne alors la première, après avoir averti les amateurs directement et par affichage. Si la pièce a du succès, l’auteur en vend à d’autres régisseurs des exemplaires manuscrits et, avec le manuscrit, le droit de la faire représenter. Une pièce n’est donc pas la propriété d’une troupe, mais elle appartient à tous les ayants-cause de l’auteur. Il arrive fréquemment qu’un régisseur contrefasse une pièce nouvelle, après être allé l’entendre deux ou trois fois : il en résulte presque toujours une querelle, une rixe entre les deux troupes, et l’affaire va au tribunal. Bien qu’il n’y ait pas de législation sur ce point,