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le théâtre en chine

en différents styles : le langage vulgaire du dialogue ordinaire fait place, lorsque les sentiments s’élèvent, à la prose littéraire, remplacée à son tour par la poésie régulière ou irrégulière dans les passages pathétiques. Ce mélange artificiel des styles, qui sont presque des langues différentes, est difficilement intelligible pour tout autre que pour un habitué. Il est débité, souvent même à Péking, avec la prononciation de l’un des dialectes méridionaux de la langue commune ; d’ailleurs, presque chaque province a ses traditions dramatiques particulières : la langue, la musique, les sujets des pièces sont différents. Plusieurs de ces écoles sont représentées à Péking, et seul le lettré familier avec : le répertoire trouve un plaisir raffiné à démêler les effets : subtils, à jouir de l’harmonie des syllabes, à saisir les allusions cachées qu’a semées l’auteur. J’ai même vu un Chinois instruit fort empêché de m’expliquer le sujet d’une pièce qu’il entendait pour la première fois ; à plus forte raison, le gros public ne comprend guère.

Ce n’est pas non plus pour lui plaire que la moralité de la pièce est soulignée avec autant d’insistance, car il s’en soucie peu. Le personnage principal assume toujours le rôle de raisonneur et, un peu comme le chœur antique, il disserte, en parlant ou en chantant, sur les actes des personnages et sur les péripéties de l’action le drame chinois sait si peu se passer de ce caractère que, si le personnage qui moralise vient à disparaître, un autre prend immédiatement sa fonction. Enfin le dénouement forme souvent un acte séparé, qui se passe dans un lieu éloigné après de longues années ; il sert ouvertement de conclusion morale, et, avec tous les personnages connus, on en voit paraître d’autres, comme pour donner plus de témoins au châtiment du vice et à la récompense de la vertu.

La division des emplois en héros, héroïnes, personnages immoraux et bouffons, ressemble à une classification morale. Dans les deux dernières catégories, on trouve des rôles d’hommes et des rôles de femmes ; toutes comprennent des subdivisions assez nombreuses, magistrats graves, jeunes licenciés bien faits et amoureux, soubrettes adroites et même rigides, amants suborneurs, courtisanes perverses, cabaretiers plaisants, etc. Dans une troupe importante, les emplois des héros,