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la revue de paris

des héroïnes et des personnages immoraux, sont tenus chacun par quatre ou cinq acteurs, et comme chaque acteur joue plusieurs rôles dans la même pièce, le nombre des personnages représentés peut être considérable ; le bouffon, au contraire est souvent unique. Les rôles de femmes sont joués par des hommes qui se fardent, se font de faux petits pieds et imitent à merveille la démarche, les gestes, la voix même des femmes chinoises. Les bons acteurs qui jouent ces rôles sont ceux que l’on paie le plus cher. Ils débutent vers l’âge de dix ans et ne peuvent guère paraître sur la scène après trente, le travesti devenant insuffisant : ce n’est que grâce à l’apparence physique de la race chinoise, où les traits s’accentuent lentement, où la barbe est tardive, qu’il est supporté jusque-là ; — faut-il en conclure que le public chinois est plus délicat que le public anglais du xvie siècle, ou que les acteurs chinois sont moins habiles que ceux qui créèrent les rôles de Desdémone et d’Ophélie ? Quant au théâtre grec, il est ici hors de question, puisque les acteurs y étaient masqués. — Dans les autres emplois, les acteurs débutent vers dix ou quinze ans et continuent tant qu’ils ont de la force et du succès. Entre les emplois, les différences sont très marquées : le masque n’étant pas en usage, les héroïnes se griment légèrement, les héros portent une fausse barbe ; les personnages immoraux ont tout le visage peint de couleurs voyantes. De même, les costumes ont des signes distinctifs, la manière de gesticuler, la mimique, la prononciation, le chant sont tout à fait différents : aussi un acteur est obligé de se cantonner pour sa vie dans une série d’emplois analogues et ne peut jamais passer d’une catégorie à une autre.

Les personnages dramatiques appartiennent à toutes les classes de la société, et le rôle important échoit aussi bien à une courtisane ou à un esclave qu’à un ministre ou à un empereur : le théâtre est donc, par son impartialité, l’image fidèle de la société chinoise où ne subsiste aucune aristocratie. Le code interdit de mettre en scène des événements de la dynastie régnante, et aussi de faire paraître des empereurs et des personnages vertueux de l’antiquité. La première défense est exactement observée ; mais, si les autorités faisaient respecter rigoureusement la seconde, elles supprimeraient de