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le théâtre en chine

ce fait plus de la moitié du répertoire. Le drame chinois, en effet (et ici l’on retrouve l’influence des lettrés et leur prédilection pour l’antiquité), aime les sujets historiques ou, à proprement parler, anecdotiques ; il les trouve dans le trésor des histoires chinoises qui embrassent une période de plus de trois mille années. Les auteurs prennent d’ailleurs de grandes libertés avec les faits ou, greffant sur un fait réel toute une fable amoureuse avec enlèvements et reconnaissances, à la façon de nos romanciers du xviie siècle, arrivent fréquemment au drame domestique ou à la comédie sérieuse.

Pendant toute représentation, la comédie populaire alterne avec le drame. Fait assez bizarre, elle n’est pas plus que lui un objet d’animadversion pour les moralistes, bien qu’elle soit souvent très licencieuse et que les détails de mise en scène et de dialogue en aggravent le caractère. La musique y est plus discrète ; les costumes y sont ceux de la vie quotidienne, parfois un peu ridiculisés. Il n’y a pas de texte fixe, mais un canevas que les acteurs brodent suivant leur inspiration et en plaisantant sur les incidents du jour ou sur les gens qui sont dans la salle. Les situations sont prises dans le train ordinaire des choses et présentées de manière comique : ainsi l’aventure citée par M. R.-K. Douglas[1], de ce pauvre diable qui emprunte la femme de son voisin et la fait passer pour sienne afin d’obtenir quelque argent d’un oncle avare. Ces farces sont souvent spirituelles ; le peuple s’y plaît plus qu’aux drames, dont la langue lui est étrangère et dont les sujets lui échappent : car, si quelques personnages dramatiques semi-historiques, semi-légendaires, sont pour le gros public de vieilles connaissances, il en est beaucoup d’autres dont il n’a jamais entendu parler, qui ne le touchent pas : les batailles et les grands coups d’épée, les exemples de piété domestique, si éloignés du terre-à-terre habituel de la vie chinoise, ne sont que le délassement de lettrés épris d’histoire.

Le peuple comprend mieux les pièces inspirées des mœurs contemporaines ; il supporte cependant le drame et suit attentivement les évolutions des acteurs. Ce n’est pas que la scène elle-même offre un aspect flatteur pour les yeux : établie sur un

  1. Chinese Stories, in-8, Londres. 1893.