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la revue de paris

des petits côtés du rectangle que forme la salle, dépourvue de rideau, elle a peu de profondeur ; le mur du fond est maigrement orné de quelques rouleaux de papier rouge portant des sentences morales ; il est percé de deux portes qui conduisent au magasin des costumes et à la loge commune de toute la troupe ; au-dessus est ménagée une sorte de balcon, une loggia, qui sert à quelques jeux de scène et qui est la résidence habituelle de l’esprit du théâtre. L’orchestre est placé sur la scène même, près de l’une des portes, qui a reçu le nom de « porte du tambour ». Le décor est nul, et il serait difficile qu’il en fût autrement, avec des troupes nomades qui passent sans cesse d’une salle à une autre. Les accessoires employés sont quelques chaises et quelques tables ; lorsque la pièce le comporte, on s’en sert suivant leur destination normale ; s’il en est besoin, on les entasse les unes sur les autres pour représenter une muraille de ville ou une montagne escarpée, et les acteurs n’hésitent pas à escalader ces édifices branlants. Souvent on trouve plus simple, tout en restant sur le sol, de simuler les mouvements d’une ascension pénible. Celui qui monte à cheval lève la jambe comme pour se mettre en selle, à moins que le cavalier n’arrive à califourchon sur un bâton. Dans une saynète qui se passait sur l’eau, j’ai vu la présence du bateau indiquée seulement par une rame, ou plutôt un bâton orné de soie et attaché à une corde de couleur : au moyen de cet objet, les acteurs simulaient les mouvements des rameurs. Pour une bataille, on voit deux ou trois figurants entrer par l’une des portes, sortir par l’autre, se poursuivre, faire des mines terribles, Brandir leur sabre et leur pique en prenant des poses plastiques. Un changement de lieu est indiqué soit par la mimique, soit par une déclaration expresse. Lorsqu’une pièce ou un acte est fini, tous les acteurs sortent, et l’on vient ranger les chaises et les tables sous les yeux du public. Même au cours de la pièce, les servants du théâtre entrent, apportent des objets, les déplacent, causent avec ceux des acteurs qui ne jouent pas.

Le public lettré n’a pas besoin de l’illusion scénique, il cherche un plaisir littéraire plutôt que dramatique ; le gros public a l’âme assez naïve pour se prêter à toutes les conventions, voir les objets qu’il a sous les yeux tels qu’il