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Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/196

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de leurs parties ; ce qui persiste après la destruction ou le changement du corps, en restant invariable dans la collection des parties, c’est ce que nous nommons la matière ; c’est le sujet, le substratum inconnu et insaisissable dont la masse (qui tombe dans le domaine de notre observation) est pour nous l’attribut constant et caractéristique ; puisque telle est la constitution de notre esprit qu’il se trouve forcé de concevoir un substratum ou un soutien insaisissable de toutes les qualités qu’il saisit, et forcé pareillement d’accommoder le discours à la forme nécessaire de ses conceptions. Que si, outre les propriétés telles que la masse, communes à tous les corps pondérables, et indestructibles dans les parties dont ils se composent, il y en a d’autres par lesquelles ces corps ou les éléments de ces corps diffèrent radicalement les uns des autres, de sorte que les qualités auxquelles tiennent ces différences spécifiques doivent être réputées primitives ou irréductibles au même titre que la masse et le poids, l’idée de matière impliquera aussi celle d’un sujet auquel adhèrent ces qualités différentielles ; et il faudra admettre, non-seulement des corps différant les uns des autres, selon les arrangements divers des parties d’une matière homogène, mais des matières diverses ou hétérogènes. Voilà ce que l’expérience est capable de nous enseigner relativement à la composition et à l’essence des corps pondérables ; tout ce que l’imagination peut y ajouter pour la représentation de cette essence, n’est d’aucune valeur aux yeux de la raison. Si nous sommes portés, pour les causes qu’on a dites, à nous représenter les corps qui tombent sous nos sens comme construits avec d’autres corps qui échappent aux sens (corpuscules ou atomes parfaitement impénétrables, rigides, indestructibles, de figures et de dimensions invariables), cette conception reste purement hypothétique : nous ne savons si les masses de ces corpuscules seraient ou non proportionnelles