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Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/198

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contraire ; il semble qu’on puisse sans contradiction supposer que de l’électricité ou de la chaleur sont détruites ou créées de toutes pièces par l’effet des actions chimiques ou moléculaires ; et en un mot, tout ce qui est le fondement réel de l’idée de matière pour ce qui touche aux corps pondérables, ou paraît contraire à l’expérience, ou du moins n’a pas été jusqu’ici constaté par l’expérience, en ce qui concerne les prétendus fluides impondérables.

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Revenons à l’idée de force, que nous avons vue être en corrélation nécessaire avec les idées de masse et de matière. Dans une foule de circonstances, les corps sont manifestement inertes, c’est-à-dire qu’ils ne se mettent en mouvement que sous l’action d’une force extérieure et apparente ; dans d’autres cas il semble que les corps, même privés de tout principe de vie, se déplacent d’eux-mêmes ou sont agités d’un mouvement intérieur ; et enfin la faculté du mouvement spontané paraît caractériser les corps vivants. Mais tout cela change avec les circonstances extérieures et la constitution intime du corps ; tandis que ce qui persiste dans les éléments des corps ou dans ce que nous nommons la matière, c’est l’inertie, à savoir la propriété d’exiger pour se mouvoir la dépense d’une certaine force, proportionnelle à la masse mise en mouvement, quand la vitesse est la même, et proportionnelle à la vitesse imprimée, quand la masse reste la même. Voilà comment, sans rien préjuger sur l’inertie ou sur l’activité des êtres complexes auxquels nous donnons le nom de corps, on est autorisé à dire que la matière est inerte ; et dès lors il n’y a rien de plus naturel et de plus conforme à la subordination observée entre les phénomènes, que de concevoir une force qui, en agissant sur la matière dont un corps est formé, lui imprime l’activité et le mouvement, même dans les cas où nous ne sommes pas frappés de l’action d’une force extérieure et apparente. L’expérience nous enseigne que l’inertie de la matière consiste, non-seulement à rester dans l’état de repos quand aucune force ou cause de mouvement ne la sollicite, mais à persévérer dans l’état de mouvement et à continuer de se mouvoir d’un mouvement rectiligne et uniforme, quand nulle force ou nul obstacle extérieur ne viennent arrêter son mouvement, ou en changer, soit la vitesse, soit la direction. On