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Page:Courouble - Le roman d'Hippolyte (La famille Kaekebroeck), 1927.djvu/16

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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

était né à l’heure dite et, très vif et tout blond, courait en mollets nus sur ses cinq ans, entendît souvent sous ses jolies « crolles » des sons exacts, des phrases bien faites, « bien assises sur leurs hanches », en un mot du français.

L’enfant mordait d’ailleurs aux bons principes. On eût dit que, comme Aréthuse, la langue de ce petit, conçu à Paris, gardât sa pureté limpide au milieu de nos patois marécageux.

Adolphine contrariait peut-être la méthode mais sans le vouloir ; si elle avait été un moment séduite par le doux parler de France jusqu’à en essayer parfois pour son compte une timide imitation, sa sincérité ne pouvait longtemps s’accommoder d’une telle coquetterie d’emprunt et, bien vite, elle était revenue au vrai et libre idiome qu’elle avait toujours parlé. D’ailleurs, celui-ci n’était pas dépourvu d’une certaine grâce dans sa jolie bouche ; il s’harmonisait en quelque sorte avec sa beauté robuste qu’il relevait d’un piquant, d’un sel, enfin de ce charme subtil qui se comprend mieux qu’il ne se décrit.

Donc Alberke et Hélène continuaient, en fait de grammaire, à subir des influences diverses, si bien que malgré l’intervention énergique mais assez intermittente de leur père — qui ne craignait rien tant que de chagriner sa chère femme — on n’eût pu encore prédire quel dialecte ailé habiterait un jour sur leurs lèvres…