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LES DEUX CROISIÈRES

Certes, elle n’était pas mauvaise, mais seulement pétrie de caprices, changeante comme avril. « Jamais légère girouette au vent sitôt ne se vira. » Elle avait quitté un amant jaloux parce qu’il gênait sa liberté, parce qu’elle ne savait pas se dérober aux adorations comme celle qui n’aime qu’une seule fois. Elle manquait de constance ou du moins elle n’avait que la constance de plusieurs amours simultanés quand ils pouvaient la distraire les uns des autres. Aujourd’hui, fatiguée de tous ses amants ordinaires, l’ombrageux Reynaud lui rechantait au cœur. L’incroyable aventure de ce voyage n’était qu’un autre caprice, et chez elle, nature passionnée et mobile, le caprice volait tout de suite à son but.

— Ah quelle folie ! m’écriai-je quand j’eus recouvré un peu de sang-froid sous le débordement de ces aveux. Et si votre subite présence allait le tuer !

Elle porta la main à son corsage comme le soir mémorable où je lui avais révélé la douleur de son ami.