Page:Courteline - Ah Jeunesse!, 1904.djvu/17

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les perles qui étaient ses dents, elle se mit à rire, mais à rire !…

Moi ?… le seul amoureux qu’elle eût ?…

L’hypothèse lui apparaissait si bouffonne, si bizarre, si imprévue, qu’elle la jugeait la plus réjouissante du monde et qu’elle en riait à pleines lèvres, d’un rire de mâle où hurlaient de monstrueux atavismes, des gaîtés de garçon boucher, toute l’écume du sang de rustre qui lui courait sous la peau en petites couleuvres azurées. Même, à la fin, ça devenait insultant, ces éclats jetés comme des noms à mon ingénuité jalouse. Je vis le moment où j’allais perdre patience et lui lancer : « — Taisez-vous donc ; vous m’exaspérez, mademoiselle. Si vous traînez après vos jupes des régiments de chiens en rut, ayez la pudeur de le taire. » Une chose m’en empêcha ; la survenue de l’avertisseur, qui, de la porte, braillait dans le portevoix de ses mains :

— En scène, la commère !… en scène !

— Voilà ! cria Mlle Mariannet.

Déjà elle était envolée. J’éprouvai, à ne l’avoir plus là, je ne sais quel sentiment complexe, fait d’allégement et de regret, et je rentrai chez moi plein de trouble. Mais le lendemain, comme je débarquais au