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Page:Courteline - Bourbouroche. L'article 330. Lidoire. Les balances. Gros chagrins. Les Boulingrin. La conversion d'Alceste - 1893.djvu/17

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des témérités. Sous l’ombre de sa porte cochère, comme elle me donnait le bonsoir, je pris ses petites mains dans les miennes, comme ceci, (Il prend les deux mains de Potasse.) je fixai mes yeux en les siens, comme cela, (Il fixe Potasse dans les yeux.) et, d’une voix tremblante d’émotion : « Madame, lui dis-je, je vous aime. Vous êtes un parfum, une perle, une fleur et un oiseau. »


POTASSE. — Tu as trente-huit ans ?
Potasse.

Parfaitement. Et huit jours après tu la mettais dans ses meubles.

Boubouroche, blessé du terme et rectifiant.

Huit jours après, Adèle et moi associions nos deux existences, ce qui n’est pas la même chose.

Potasse.

Peuh !… Tu lui donnes de l’argent.

Boubouroche.

Il ne manquerait plus que je lui en demande ! Je lui donne en effet, trois cent francs par mois et je lui paye son loyer, mais enfin je ne l’entretiens pas. On n’entretient pas une femme parce qu’on fait son devoir d’honnête homme en lui simplifiant, dans une certaine mesure, les complications de l’existence. — Mais, mon cher, je l’entretiens si peu, que nous ne vivons pas ensemble ! Bien mieux !… je n’ai même pas la clé de l’appartement !

Potasse, étonné.

Pourquoi ça ?

Boubouroche.

Parce qu’une honnête femme ne doit pas avoir d’amant, et qu’on n’est pas « amant » tant qu’on n’a pas la clé.

Potasse, ahuri.

Qu’est-ce qu’on est, alors ?

Boubouroche, embarrassé.

Dame, on est… euh… mon Dieu… Je ne trouve pas le mot.

Potasse.

Je le trouve, moi. On est une poire.

Boubouroche.

Eh ! Tu m’assommes avec ta poire !… Adèle n’est pas une grisette ; c’est une femme très bien élevée ; elle a sa famille, ses relations ; elle tient à ne pas se compromettre, et je trouve ça fort légitime.

Potasse.

En résumé, une de ces femmes qui veulent bien faire comme les au-