tres, à la condition que les autres n’en sachent rien ? — Je connais. Elles sont comme ça quelques milliers sur le pavé de la capitale.
Où est l’utilité, pour une femme, de déshabiller sa conduite et de la mettre toute nue devant le monde ?
Tu as raison, je ne connais rien de plus oiseux que les théories sur la vie. (Se levant.) Tu es heureux ?
POTASSE. — Non. Trop tard
Infiniment. Que me manquerait-il pour l’être ? Je suis un homme sans appétits ; je puis me lever et me coucher quand ça me convient ; mes moyens me permettent de manger à ma faim, de me désaltérer à ma soif, de fumer à ma suffisance et de prêter cent sous, quand l’occasion s’en présente, à un camarade gêné. J’ai, en plus, la liaison bourgeoise qui convenait à un homme comme moi : une petite compagne sensée et économe, que j’aime, qui me le rend bien, et dont la fidélité ne saurait faire question une seule minute. Alors quoi ? Oui, je suis heureux autant qu’il est possible à un homme de l’être ; et c’est ce qui me permet, vois-tu, vieux, d’être indulgent aux pauvres diables qui aiment mieux gagner que perdre au noble jeu de la manille et préfèrent mon tabac au leur, parce qu’il est meilleur marché.
Bonne pâte !
Te voilà parti ?
Oui.
Encore un bock ?
Non. Trop tard. Je n’ai pas ta veine, Boubouroche. Il faut que je sois debout à huit heures du matin.
Pauvre Potasse ! (Poignée de mains.) Eh ! bien, à demain ?
Oui.
Neuf heures dix… — Monterai-je un instant chez Adèle ?… Achevons d’abord ce distingué. La bière est bonne conseillère.
Scène III
Je vous demande pardon, monsieur ; vous êtes bien M. Boubouroche ?
Oui, monsieur.
Ernest Boubouroche ?
Ernest Boubouroche, parfaitement.
C’est bien vous qui avez pour maîtresse, boulevard Magenta,