Page:Courteline - L'illustre Piégelé, 1904.djvu/72

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au monde : si je me suis rendue au rendez-vous de l’Hôtel Terminus, si j’ai accepté l’entrevue d’où je devais revenir déshonorée, hélas ! flétrie, souillée à tout jamais, je l’ai fait dans un but excellent. Je voulais sermonner ce bambin, qui me persécutait de lettres et de pièces de vers extravagantes ; j’espérais le mettre à la raison, grâce à quelques paroles sévères. Malheureusement, les choses ont mal tourné. Seul avec moi, mon galopin a commencé à faire le fou, criant, pleurant, se frappant la tête contre le mur, jurant que j’étais toute sa vie, toute son âme et toute sa pensée, et me menaçant, si je ne cédais, de se brûler la cervelle à mes pieds. À la fin, j’ai perdu la tête… je ne sais plus ce qui s’est passé !… Bref, mon mari (qui, sans doute, avait eu vent de quelque chose) est survenu, accompagné du commissaire de police. Procès-verbal a été dressé, et j’ai été condamnée, hier, à un mois d’emprisonnement pour détournement de mineur. Un mois de prison, oh ! mon Dieu !… Être enfermée pendant un mois à Saint-Lazare, avec les voleuses et les prostituées !… Jamais ! Oh ! cela, non, jamais !… Tout ce qu’on voudra, mais pas cela !… Plutôt cent fois, plutôt mille fois la mort !

Monsieur le Député, je n’ai plus d’espoir qu’en vous. Mme de T… à laquelle je me suis confessée, me dit que vous êtes l’ami intime du ministre de la justice