Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/40

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entière ta vie : mentir et mentir encore ! Crois-tu que je ne te connaisse pas et que je me méprenne à tes airs d’ingénue ?

Elle tenta de placer un mot ; il le lui cloua sur les lèvres :

— Tais-toi ! Le son seul de ta voix suffit à m’exaspérer.

— Très bien.

Elle se tut.

Il dit :

— Ne me regarde pas ainsi !… je t’étranglerais !

Elle baissa les yeux.

— Prends garde ! fit Cozal. N’aie pas l’air de te fiche de moi.

Du coup elle eut un geste las ; elle fit un pas vers la porte.

Lui, bondit :

— Ah! ne bouge pas !… Je te défends de faire un mouvement.

Et, d’une voix qui sonna au creux des vieilles faïences constellant le fond tendre du papier :

— Je sais parfaitement ce que tu cherches. Tu voudrais filer à l’anglaise, ce qui couperait court à toute explication. Trop commode !… J’en veux une, moi, d’explication !

— N’ayant eu d’autre tort que celui de t’aimer avec une tendresse aveugle, je n’ai aucune explication à te fournir, répondit alors Marthe Hamiet. Tu es extraordinaire aussi, et tu me ferais sortir de mes gonds.

— Marthe !

— Oh ! tu peux faire les gros yeux. Tu t’abuses, si tu crois me faire peur. Je n’ai peur que d’une chose, c’est de reconnaître en toi l’égoïste et le mauvais cœur que depuis quelque temps je te soupçonne d’être.

— Moi un égoïste ? fit Cozal.

— C’est fort possible, dit Marthe Hamiet.