Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/42

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sensible en avait eu un saut de cabri ; et, instantanément, avait monté en lui tout un flot de sentiments louables. Que dis-je, un flot ?… Un mascaret ! Oui, un mascaret aux eaux lourdes, charriant trente-six choses à la fois : la reconnaissance d’avoir été aimé, l’horreur d’avoir été injuste : la crise passionnée et complexe d’un converti qui baise l’image du Sauveur après l’avoir foulée aux pieds.

— Marthe ! mon chien, mon chat, mon trésor, ai-je bien pu te parler ainsi ?… Jamais tu ne me le pardonneras ?

L’aperçu grossièrement exagéré de ses torts lui montrait, grossièrement outrées, les rancœurs de sa maîtresse. Celle-ci, cependant, bouleversée : « Mais quel enfant, répétait-elle. Mais ne voilà t’y pas un bébé ? A-t-on idée de pleurer comme ça !… Bien sûr oui, je te pardonne, gros bête ! », il demeurait inconsolable, avec de furieux hochements de tête qui persistaient à dire : « Non ! » et niaient le pardon des injures, malgré la loi et les prophètes. Un moment vint où Marthe Hamiet dut lui conseiller doucement :

— Mouche ton nez, mon petit Robert.

Il voulut bien moucher son nez, n’étant entêté que dans le remords ; mais, cette opération accomplie, il eut le soupir pesant et grave du bœuf qu’a atteint le coup de masse.

— Oh !…

C’était la jalousie, la fâcheuse jalousie, qui sournoisement venait jeter de l’huile sur le feu et mettre son grain de sel dans la conversation.

— Toi à un autre, s’exclama-t-il. Tu seras à un autre, ce soir !…

— Mais non ! répondit pour la forme Marthe, très embarrassée.

Il lui cria : « Ne dis pas non ! », et de cet instant, sa