Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/43

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douleur ne connut plus de bornes.

Il avait pris entre ses mains le visage jeune et doux de Marthe qui s’était accroupie entre ses genoux écartés, déjà toute en larmes, elle aussi. Avide de les voir et de les revoir, il contemplait ces yeux couleur de beau temps qui tant de fois lui avaient souri, ces lèvres qui tant de fois avaient baisé les siennes et que bientôt baiserait, hélas, une autre bouche ! À travers son chagrin trop gros, son amour lui apparaissait agrandi jusqu’à l’excessif. Et il parla, il parla longuement. En des mots qui auraient voulu être des caresses, – de ces mots que vont chercher on ne sait où les amoureux exaltés, qui grisent les femmes comme des alcools et qu’elles boivent les yeux fermés, – il dit à Marthe, folle de l’entendre, combien elle lui était chère et combien il était à plaindre ! Il évoqua le spectre des beaux jours enfuis, il rappela à quel point elle lui avait été bonne, s’accusa de l’en avoir récompensée par la plus noire ingratitude et s’en flétrit avec la dernière énergie : ceci sans que ni elle ni lui sussent au juste à propos de quoi. Chaque fois qu’un attendrissement lui revenait à la mémoire, les larmes lui revenaient aux cils en gouttelettes pressées et claires que la jeune femme aux cent coups séchait sur ses joues barbouillées.

À la fin, il déclara n’avoir aimé qu’Elle seule au monde.

— Que toi !… Tu entends bien ? Que toi !… Tu auras été toute ma joie, toute ma pensée, toute mon âme, et ma vie restera à jamais parfumée d’avoir été mêlée à la tienne un instant !

Douces et absurdes paroles !… Sur la bouche tendue de Marthe Hamiet – fleur de chaque jour, semblable, m