Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/89

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spoir sans bornes. Désarmant d’impudeur naïve, il ouvrait à deux battants les portes sacrées de l’alcôve, célébrait les intimités, jetait froidement aux pourceaux du chemin le cher bouquet cueilli au corsage de l’aimée.

La lecture achevée :

— Voilà, prononça Victoria, après une longue rêverie, ce qui peut s’appeler une lettre.

— Oui, hein ?

— Mon petit, c’est épatant !… Moi, je ne connais pas une femme qui pourrait résister à ça !

Du coup, il passa la mesure.

— Ah ! bon cœur, faut que je vous embrasse ! cria-t-il.

Nous devons dire que, depuis un instant, le gaillard n’avait plus qu’un bras, l’autre ayant plongé, le poing d’abord, en le bâillement encombré d’une fente de jupon où fourgonnaient négligemment ses doigts, à la recherche de l’inconnu. Et maintenant, petit à petit, il sentait sa virile jeunesse filtrer par les mille fêlures de son repentir ; son ardeur, mal calmée hier, se réveillait aujourd’hui au contact de ces coudes roses émergeant à nu d’un bouillonnement de guipures, à la douceur de ces beaux yeux où riait le bleu sombre des pervenches, au souffle de cette bouche gaie et fraîche qui, à la fois, rappelait à l’ordre et pardonnait, murmurait : « Voulez-vous vous tenir ? Vous me faites des chatouilles, c’est bête. En voilà un petit effronté ! » Le pis est qu’il était sorti avec de l’argent sur lui et qu’il était de ceux chez lesquels la certitude de les pouvoir satisfaire fait naître des besoins spontanés. Or, s’étant aperçu que l’horloge indiquait deux heures moins cinq, il précipita le mouvement, si bien que ça devint très gentil. Vers le visage de Victoria, qu’il avait doucement renversée