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d’inconnus fixées aux lambeaux du papier avec des épingles de nourrice.


VI


— Eh bien ! vrai alors, il n’est que temps, se dit Cozal après avoir pris connaissance du petit bleu de Frédéric Hamiet qui le conviait à dîner pour le soir.

«… Sans aucune cérémonie, hein !… Pantalon de treillis et calot, comme nous disions aux dragons ! »

Depuis la fâcheuse aventure, il était sans nouvelles de Marthe, encore que le grand hall des Postes eût vu plus souvent qu’à son tour errer sa silhouette plaintive et que les employés agacés se fussent mis sur le pied de lui crier : « Il n’y a rien ! » avant qu’il eût ouvert la bouche, au seul aperçu, dans l’encadrement du guichet, de son visage tourné peu à peu au cauchemar.

Toute la journée il fut inquiet, nerveux, incapable du moindre travail, se donnant à soi-même, en imagination, la représentation du drame de tout à l’heure, avec des demandes supposées et des répliques triomphantes qui avaient pour effet de renverser les rôles en donnant tort à la justice et en mettant le droit à se plaindre du côté que ce n’était pas vrai. Enfin, six heures sonnant à l’horloge de campagne qui battait la mesure aux secondes dans un coin de sa chambre à coucher, il jugea le moment venu de se présenter chez ses hôtes, et il s’achemina vers la rue Taitbout où le ménage Hamiet occupait un appartement de quatre mille francs, dont le balcon, rehaussé de dorures, dominait les platanes du boulevard Haussmann.

À son coup de sonnette, un domestique apparut, homme