Page:Courteline - Un Client sérieux, 1897.djvu/169

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sur moi et je la recouds à l’intérieur. Arrivent les cardeurs qui n’y voient que du feu et me descendent ingénument devant la porte de la prison. C’est très bien. Je tire mon couteau, je crève la toile au matelas, je crève la paillasse aux cardeurs, après quoi, à nous l’oxygène ! C’est extrêmement ingénieux. -- Mais, me direz-vous, mon ami, tu t’es donc procuré du fil, une aiguille et un couteau ?

Chut !… (Mystérieux :) J’ai improvisé moi-même ces divers objets mobiliers. Le couteau, je l’ai fabriqué avec un manche de côtelette ; l’aiguille, avec une arête de merlan ; et le fil… -- Devinez un peu ? Non, devinez un peu, pour voir ? — … Avec du bœuf !!! Tous les jours, depuis trente-cinq ans, je prenais sur ma portion un petit filament de gîte à la noix que je dissimulais avec soin dans le creux de ma main, et qui venait s’ajouter à la masse. Résultat : ceci (Il tire de sa poche une pelote de couleur brune.)… c’est-à-dire la liberté !! Ah ! l’ingéniosité des prisonniers défie toute comparaison ! -- Avec tout ça, je bavarde, moi. Quelle heure est-il ? (Il regarde par la lucarne.) Il est précisément, au soleil, onze heures quarante-