Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/266

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257] Kant a aperçu la difficulté, et il s’en tire en appelant ces vérités, non pas des axiomes, mais des « formules numériques », parce qu’elles ne sont pas générales (comme les axiomes de la Géométrie). Quel que soit le nom qu’il leur donne, il n’en est pas moins vrai qu’il admet une infinité de propositions premières synthétiques et irréductibles, ce qui est peu conforme à l’idée d’une science rationnelle. Mais alors, comment se fait-il qu’on ait besoin du calcul, et parfois même de longs calculs, pour les découvrir ou les démontrer ? Si les vérités arithmétiques étaient réellement intuitives, il ne serait pas si difficile de s’assurer qu’un nombre donné est premier, ou de vérifier (je ne dis pas : de démontrer) le fameux théorème de Goldbach : « Tout nombre pair est la somme de deux nombres premiers ». En réalité, il y a là une erreur fondamentale sur la nature des vérités arithmétiques singulières, qui sont toutes démontrables ; les seules vérités primitives ou indémontrables de l’Arithmétique sont des propositions générales ou axiomes, dont précisément Kant ne s’occupe pas.

Il ne suffit pas de réfuter une erreur, dit-on souvent, il faut l’expliquer. Celle de Kant s’explique par sa conception étroite et simpliste de la Logique. Il dit, dans le dernier passage cité : « Nous pourrions tourner et retourner nos concepts tant que nous voulons, nous n’arriverions jamais à trouver la somme par la simple décomposition de nos concepts… » (B. 16). Mais qui nous dit que tous les concepts sont « composés » de concepts partiels, de telle sorte qu’il suffise de les « décomposer » pour découvrir toutes leurs propriétés ? C’est là une hypothèse gratuite de la vieille Logique, qui peut s’appliquer, à certains concepts empiriques, mais qui précisément ne s’applique pas [258]