Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/268

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[259] Mais tel n’est pas le véritable sens de cette proposition, comme le montre son analogie de forme avec une proposition que nous avons commentée précédemment (B. 47). Elle signifie en réalité (malgré l’emploi équivoque et irrégulier que Kant fait, dans la même phrase, des termes de « pensée » et de « représentation ») : « Ce n’est pas en réunissant dans la pensée les deux concepts de 7 et de 5 que j’obtiens le concept de 12 ; c’est en les construisant dans l’intuition, et en réunissant dans l’intuition les deux collections correspondantes pour en former une seule. » Mais, d’abord, si Kant admet réellement que les nombres sont des concepts, ce ne peuvent être que des concepts de collections ; le nombre 7 est le concept d’une collection de 7 objets, et ainsi de suite ; mais il ne faut pas le confondre avec une collection particulière, de même qu’en général il ne faut pas confondre un concept avec l’un quelconque des objets auxquels il s’applique. Or, si l’Arithmétique porte réellement sur les concepts de nombres, et non sur des collections particulières (comme des tas de cailloux), l’addition des nombres doit être une combinaison conceptuelle, et non pas intuitive ; sans doute, elle peut être représentée dans l’intuition, comme les nombres eux-mêmes, mais cette opération a une valeur générale et formelle, elle est indépendante de la nature des objets qui servent à la représenter, c’est donc une opération idéale, et non intuitive. D’ailleurs, la liaison qu’elle établit entre les deux nombres, ou plutôt entre leurs unités, est de la même nature que la liaison qui existe entre les unités de chaque nombre, et qui constitue ce nombre ; il serait donc absurde d’admettre un lien idéal entre les unités constituantes de chaque nombre, et de n’admettre qu’un lien intuitif entre les unités respectives des deux nombres. Si donc on considère l’addition comme une opération essentiellement intuitive, il faut soutenir que les nombres eux-mêmes n’existent que dans [260] l’intuition (