Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/282

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repose sur la répétition successive, par suite sur le temps et sur la synthèse de l’homogène dans le temps (c’est-à-dire le nombre). On se demande alors comment on a jamais pu arriver à la notion de grandeur continue. Car de deux choses l’une : ou bien c’est le nombre qui « imite » la grandeur, suivant le mot de Pascal, et alors on ne peut expliquer la généralisation du nombre (les nombres fractionnaires, négatifs, irrationnels) qu’en supposant que nous avons une notion primitive et originale de la grandeur, indépendamment du nombre ; ou bien nous ne pouvons concevoir la grandeur que par l’intermédiaire (le schème) du nombre, et alors, pour expliquer la continuité de la grandeur, il faut définir les nombres fractionnaires, négatifs et irrationnels d’une manière autonome, sans faire appel à l’idée de grandeur ni à l’intuition spatiale. Cette dernière alternative est parfaitement possible, mais elle réfute par son existence même la thèse kantienne, car elle aboutit à faire reposer toute la mathématique sur des fondements analytiques. Tout au moins, elle oblige à abandonner cette conception empiriste du nombre, suivant laquelle il devrait nécessairement s’incarner dans des collections d’objets visibles et palpables, car celle-ci ne permet évidemment pas de dépasser les nombres entiers cardinaux.

En tout cas, nous pouvons de toute cette théorie retenir cet aveu : que la notion de grandeur est, en soi, distincte de l’espace et du temps, puisque ces deux formes d’intuition ne font que lui prêter des images ou des schèmes. Or la mathématique est, selon Kant, la science de la grandeur en général ; donc, comme telle, elle est indépendante de l’espace et du temps ; [274] elle ne repose pas sur l’intuition, mais sur le concept a