Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/312

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[303] En résumé, les progrès de la Logique et de la Mathématique au XIXe siècle ont infirmé la théorie kantienne et donné raison à Leibniz. Si Kant séparait et opposait entre elles la Logique et la Mathématique, c’est qu’il avait une idée trop étroite de l’une et de l’autre. On connaît l’opinion qu’il avait de la Logique : cette science n’avait pas, selon lui, fait un seul pas depuis Aristote (B. VIII), et n’en avait plus un seul à faire, car elle avait atteint dès l’origine une perfection qu’elle devait à sa « limitation ». On sait aussi quel éclatant démenti les logiciens modernes devaient infliger à cette opinion. Sans doute, Kant ne pouvait pas prévoir la renaissance de la Logique au XIXe siècle ; mais il aurait pu du moins être plus juste pour les efforts de ses prédécesseurs, c’est-à-dire de Leibniz et de son école, qui avaient essayé de dépasser le cadre artificiel et restreint de la Logique aristotélicienne. Au lieu de continuer ce mouvement et de collaborer à ce progrès avec ses puissantes facultés, Kant s’est montré en Logique formelle ultra-conservateur, pour ne pas dire réactionnaire : il s’est contenté de critiquer la « fausse subtilité des quatre figures du syllogisme » et de simplifier la Logique scolastique, et il ne parait pas s’être jamais douté que celle-ci eût besoin d’être élargie et approfondie. Cela est d’autant plus étonnant, que la Logique formelle était, de son propre aveu, la base nécessaire de la Logique transcendentale ; c’est « la même fonction » qui forme les jugements et subsume les objets sous les catégories ; c’est « le même entendement », « par les mêmes actions », qui produit, d’une part, l’unité analytique dans les concepts, et d’autre, part l’unité synthétique dans l’intuition (A. 79 ; B. 104-105). Il semble donc que Kant eût dû, avant toute chose, analyser avec le plus grand [304]