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Page:Création, octobre 2019, 4.djvu/16

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Dans l’étude expérimentale de Freedman et Fraser en 1966, on demandait aux gens à proximité d’une route de planter dans leur jardin un panneau de 2 mètres sur 3 pour un service public de sécurité routière, seulement 16,7% acceptèrent lorsqu’on leur demanda. En revanche, à ceux à qui on avait préalablement demandé de mettre un autocollant sur leur voiture, ils étaient ensuite 76% à accepter de mettre ce même panneau dans leur jardin. De quoi relativiser tout essentialisme conservateur prétendu du monde nationaliste. Mais qui, aussi, tend à tempérer toute volonté de soulèvement brusque quand bien même toutes les forces seraient de notre côté. Il ne s’agit pas ici d’hoplophobie ou que sais-je encore mais de soucis d’efficacité. Cette voie, ne pouvant avoir l’adhésion d’une part de la population suffisamment large, nécessiterait de creuser un fossé clair et net entre les diverses parties pour forcer les gens à l’action, les mettre peu ou prou devant le fait accompli. Compte tenu des forces en présence aptes à marcher dans un tel projet et des forces adverses, ce projet aurait peu de chances d’arriver à son terme. La révolution pourrait être désignée comme un processus épigénétique émanant d’un corps social. Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. Il est temps pour nous aussi de nous mettre en marche. L’étude des causes n’interdit pas d’être accompagnée du réflexe maurrassien positiviste consistant à regarder l’expérience de l’histoire. Au contraire elles y prennent tout leur sens. De l’étude des mouvement révolutionnaires, on observe cette tendance aux paliers qui s’additionnent mais qui servent également d’autres besoins. Par palliers Tocqueville a bien décrit la prise du pouvoir progressive de la bourgeoisie. Parlant de la France dans L’Ancien Régime et la Révolution il explique qu’il y a une révolution dans « le pays le plus avancé politiquement ». De même, il est bon de souligner qu’avant la Révolution, les débuts étaient marqués de simples manifestations ou révoltes. De même, la Révolution Russe n’est advenue qu’après plusieurs étapes, tant sur le temps long, avec les précédents de 1905 eux-mêmes précédés d’une fin de XIXème très agitée, que sur les dernières années où les actions et mobilisations se font croissantes. Ces deux exemples que l’on pourrait accompagner de maints autres sont de véritables classiques, non seulement pour le poids qu’ils ont eu dans les affaires du monde mais également dans leur procédé. Dans la mise en place du néo-libéralisme différentes voies ont été prises, de la légitimation hayekienne des dictatures à la micro-politic de Madsen Pirie qui perdure et nous révèle d’autres choses. Elle consiste à chercher à privatiser un secteur précis et puis un autre, indéfiniment, au lieu de vouloir imposer directement l’entièreté d’une société capitaliste. La population ou une partie d’entre elle au moins, non seulement ne s’oppose pas mais adhère plus facilement. Et l’on voit en France le pourcentage de production capitaliste augmenter depuis les années 1980. Passé de 30 à 40% du PIB de 1980 à 2010, la tendance semble s’accélérer durant la dernière décennie et la production capitaliste s’apprête à redevenir majoritaire dans la production. Elle était une réaction aux avancées communistes, pas à pas, dans ce même PIB. Malgré le fait que la propriété, composée de l’usus, l’abusus et du plein frutus si cher à la bourgeoisie soit garantie par l’article 2 de la Déclaration de 1789 et par ce fait, au sommet de la hiérarchie des normes, la constitution de la Vème République faisant part de son attachement à ladite Déclaration dans son préambule, la bourgeoisie ne s’en contente pas. À raison, elle va sur le champ de bataille, non pas seulement pour agrandir son marché mais car son absence lui ferait perdre à terme non seulement son pouvoir économique mais aussi politique. Ce même champ dans lequel nous devons nous investir. Avant de penser à renverser le gouvernement actuel et mettre en place le nôtre, attelons-nous à faire passer nos lois et toute autre chose qui puisse nous garantir un espace de vie plus grand. La normalisation nationaliste qui en découlerait installerait, de plus, de futures dissonances cognitives pouvant basculer en notre faveur dans tous les pans de la société. Madsen Pirie vise aussi juste en se concentrant sur un domaine précis. C’est ici aussi notre problème : les demandes nationalistes qui peuvent être majoritaires dans la société se retrouvent kidnappées dans l’ensemble d’un programme politique et ne sont, par ce fait, jamais mises en place. Nous avons là des pistes pour savoir ce qu’il nous faut demander. Néanmoins, il nous faut éviter le sophisme de la pente glissante : la mise en place d’un tel mouvement ne nous assurerait pas une victoire inéluctable. D’autres forces chercheraient à l’arrêter ou même à le dévier. Ensemble Un tel projet nécessite une force et du nombre, tout psychologue du travail ou autre personne s’occupant de changer une structure le sait : le changement intervient toujours dans le collectif, la marge, l’individu ne peuvent être que les instigateurs du changement. Dans la multitude nationaliste, face aux diverses sensibilités il nous faut trouver un affect commun, des projets à mener. Outre capitalisme et communisme, les guerres de décolonisation ont aussi façonné et façonnent notre monde actuel. Il est étonnant de voir à quel point les Français ont oublié les très importantes manifestations de 1967 qui voient la grève générale déclarée contre les ordonnances sur la sécurité sociale, la police ouvrir le feu sur une manifestation d’ouvriers du bâtiment en Guadeloupe, faisant cinq morts et plus de cent blessés, ou des manifestations d’agriculteurs et d’ouvriers se succédant, enflammant la ville du Mans, lançant l’assaut contre la préfecture. L’année 1967 comptabilise alors le plus grand nombre de jours de grève de la Vème République et prépare 1968. Une situation qui rappelle vaguement celle d’où a éclos le mouvement des Gilets Jaunes pour lequel, ici aussi, certains Français s’interrogent étonnamment : « Com-