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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/121

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LE SOPHA

l’objet d’un éloge et d’un baiser. Quoique, loin de condamner l’admiration dans laquelle il était plongé, je la partageasse avec lui, il me sembla que, pour la situation où il se trouvait, elle durait trop longtemps et qu’elle semblait même suspendre ou lui faire oublier ses désirs.

« Il est bien vrai que plus on est délicat, plus on s’amuse de bagatelles. Le sentiment seul connaît ces tendres écarts qu’il imagine, et qu’il varie sans cesse ; mais enfin, on ne saurait s’y plaire toujours, et si l’on s’y arrête, c’est moins pour y borner ses désirs, que pour y trouver de nouvelles sources de flammes. J’eus quelques instants assez bonne opinion de Mazulhim pour n’attribuer l’anéantissement où je le voyais qu’à un excès d’amour, et les charmes de Zéphis justifiaient cette idée. Vraisemblablement Zéphis le crut aussi, et plus longtemps que moi. Je ne concevais pas comment les transports d’un amant si tendre, si pressé d’être heureux, s’affaiblissaient à mesure qu’ils trouvaient de quoi augmenter. Il était vif sans être ardent ; il louait, il admirait toujours : mais n’est-ce donc que par des éloges qu’un amant sait exprimer ses désirs ?

« Avec quelque adresse que Mazulhim dissimulât son malheur, Zéphis s’aperçut du peu de succès de ses charmes ; elle n’en parut ni surprise, ni choquée, et, tournant ses beaux yeux vers son amant :