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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/143

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LE SOPHA

seriez peut-être bien embarrassée, si j’étais plus constant que vous ne me soupçonnez de l’être.

— « Vous ne voulez donc pas me laisser ? dit-elle, en ne faisant pas le moindre mouvement pour lui échapper ou pour le contraindre. A l’égard de la confiance, continua-t-elle, aussi froidement que s’il n’eût pas continué, lui, j’en ai dans le caractère, j’ose le dire ?

— « Ce n’est pas aujourd’hui une vertu que la constance, tant elle est commune, répondit-il, et l’on peut, sans se vanter, dire qu’on en est capable ; vous avez pourtant, malgré celle dont vous pouvez vous piquer, changé quelquefois…

— « Pas tant, n’allez pas croire cela !

— « Mais je sais, et vous ne l’ignorez pas, répondit-il, tous les amants que vous avez eus.

— « Eh bien ! dit-elle, en ce cas-là vous conviendrez qu’il n’a tenu qu’à moi d’en avoir davantage ; finissez donc ! Vous me tourmentez !

— « Beaucoup moins que je ne devrais.

— « Mais enfin, répliqua-t-elle, c’est toujours plus que je ne veux.

— « Quoi ! dit-il, ne m’aimez-vous pas ? Allez-vous avoir un caprice ! N’avons-nous pas tout réglé ?

— « Eh ! mais… oui, répondit-elle, mais… Ah ! Mazulhim, vous me déplaisez !