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LE SOPHA

— « Voilà, s’écria-t-elle, un des plus mauvais propos qu’on puisse tenir. Croyez-vous avoir eu bien de l’esprit, quand vous avez dit de pareilles choses ? Savez-vous bien que ce n’est là qu’un vrai discours de petit-maître ?

— « Je ne l’en tiendrai pas plus mauvais pour cela, répondit-il.

— « Du moins vous le trouveriez bien faux, reprit-elle, si vous saviez ce qu’il m’en a coûté pour vous prendre.

— « Quoi, s’écria-t-il, vous y avez rêvé ! Cela m’outrage ; je me flattais du contraire, et je vous sais mauvais gré de m’ôter une erreur à laquelle je gagnais, sans que vous y perdissiez rien dans mon esprit. Eh ! dites-moi de grâce, Zâdis vous a-t-il autant coûté de réflexions ?

— « Que voulez-vous dire ? demanda-t-elle froidement : qu’est-ce que c’est que Zâdis ?

— « Je vous demande pardon, répondit-il en raillant ; j’aurais juré que vous le connaissiez.

— « Oui, répondit-elle, comme on connaît tout le monde.

— « Je crois, tout peu connu qu’il vous est, qu’il serait bien fâché s’il vous savait ici, continua-t-il, et je me trompe fort, ou vos bontés pour moi le chagrineraient beaucoup. Soyez de bonne foi, ajouta-t-il en lui voyant hausser les épaules, Zâdis vous plaisait avant que j’eusse le bonheur de vous plaire, et je parie-