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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/182

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LE SOPHA

— « C’est ce que nous allons voir, reprit-il ; premièrement, vous convenez de m’avoir haï sans sujet ; c’est une injustice que vous ne pouvez réparer qu’en m’aimant à la fureur. (Elle sourit.) D’ailleurs, continua-t-il, je vous aime, et tout facile qu’il vous est de faire prendre à qui que ce soit plus d’amour même qu’il ne vous plaira peut-être de lui en inspirer, jamais vous ne trouverez personne aussi disposé que moi à vous aimer avec toute la tendresse que vous méritez. Que nous ayons tort ou raison, il est constant qu’en général nous pensons mal des femmes ; nous nous sommes persuadés qu’elles ne sont ni fidèles ni constantes, et sur ce fondement, nous croyons ne leur devoir ni constance ni fidélité. De passions par conséquent on n’en voit guère ; il faudrait, pour nous déterminer à en prendre une, que nous sussions qu’une femme mérite des sentiments moins légers que ceux que communément on lui accorde ; examiner son caractère et sa façon de vivre et de penser, et régler là-dessus le degré d’estime que nous pouvons lui devoir…

— « Hé bien ! interrompit-elle, qui vous en empêche ?

— « Vous vous moquez, Madame, répondit-il ; cette étude prend du temps ; pendant que nous en serions occupés, une femme nous préviendrait d’inconstance, et c’est un si cruel accident pour nous que, pour n’y pas