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LE SOPHA

lorsque j’entendis frapper doucement à la porte. La rougeur de Zéïnis à ce bruit imprévu augmenta mes craintes. Elle raccommoda avec promptitude le dérangement où les erreurs de son sommeil l’avaient laissée, et, plus en état de paraître, elle ordonna qu’on entrât.

— « Ah ! me dis-je avec une extrême douleur, c’est peut-être un rival qui va s’offrir à ma vue ; s’il est heureux, quel supplice ! S’il le devient, que Zéïnis soit telle que quelquefois je la suppose, et que ce soit à elle que je doive ma délivrance, quel coup affreux pour moi si je suis forcé de me séparer d’elle après les sentiments qu’elle m’a inspirés ! »

« Quoique, par la connaissance que j’avais des mœurs d’Agra, je dusse être rassuré contre la crainte de quitter Zéïnis, et qu’il fût assez vraisemblable qu’à l’âge de quinze ans à peu près qu’elle paraissait avoir, elle n’eût pas tout ce que Brahma demandait pour me rendre à une autre vie, il se pouvait aussi que j’eusse tout à craindre d’elle de ce côté-là, et quelque cruel qu’il fût pour moi d’être témoin des bontés qu’elle aurait pour mon rival, je préférais ce supplice à celui de la perdre.

« À l’ordre de Zéïnis, un jeune indien, de la figure la plus brillante, était entré dans le cabinet. Plus il me parut digne de plaire, plus il excita ma haine ; elle redoubla à l’air dont Zéïnis le reçut. Le trouble, l’amour et la