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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/274

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LE SOPHA

« Quelque émue qu’elle fût, elle tâcha de se débarrasser des bras de Phéléas, mais c’était avec tant d’envie d’y rester que, pour rendre ses efforts inutiles, il n’eut pas besoin d’en employer de bien grands. Ils se regardèrent quelque temps sans se rien dire ; mais Zéïnis, sentant augmenter son trouble, et craignant enfin de ne pouvoir pas en triompher, pria, mais doucement, Phéléas de vouloir bien la laisser.

— « Ne voudrez-vous donc jamais me rendre heureux ? lui demanda-t-il.

— « Ah ! répondit-elle avec une étourderie que je ne lui ai pas encore pardonnée, vous ne l’êtes que trop, et avant que vous vinssiez, vous l’avez été bien davantage ! »

« Plus ces paroles parurent obscures à Phéléas, plus il lui parut nécessaire d’apprendre de Zéïnis ce qu’elles voulaient dire. Il la pressa longtemps de les lui expliquer, et quelque répugnance qu’elle eût à parler davantage, il la pressait si tendrement, la regardait avec tant de passion, qu’enfin il acheva de la troubler.

— « Mais, si je vous le dis, dit-elle d’une voix tremblante, vous en abuserez ! »

« Il lui jura que non avec des transports qui, loin de la rassurer sur ses craintes, ne devaient pas lui laisser douter qu’il ne lui manquât de parole. Trop émue pour pouvoir former cette idée, ou trop peu expérimentée