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LE SOPHA

de se rendre heureux, porta son audace si loin qu’elle ne crut pas devoir lui pardonner ce qu’il faisait.

— «Ah ! Phéléas ! s’écria-t-elle, sont-ce les promesses que vous m’avez faites, et craignez-vous si peu de me fâcher ? »

« Quelque violents que fussent les transports de Phéléas, Zéïnis se défendit si sérieusement, et il vit tant de colère dans ses yeux, qu’il crut ne devoir plus s’opiniâtrer à une victoire qu’il ne pouvait remporter sans offenser ce qu’il aimait, et qui même, par la résistance de Zéïnis, devenait extrêmement douteuse pour lui. Soit respect, soit timidité, enfin il s’arrêta, et n’osant plus regarder Zéïnis :

— « Non, lui dit-il tristement, quelque cruelle que vous soyez, je ne m’exposerai plus à vous déplaire. Si je vous étais plus cher, vous craindriez sans doute moins de faire mon bonheur ; mais quoique je ne doive plus espérer de vous rendre sensible, je ne vous en aimerai pas moins tendrement ! »

« En achevant ces paroles, il se leva d’auprès d’elle et sortit. Mortellement fâchée que Phéléas la quittât, et n’osant cependant pas le rappeler, la tête appuyée sur ses mains, Zéïnis pleurait, et était demeurée sur le sopha. Inquiète pourtant du départ de son amant, elle se levait pour savoir ce qu’il était devenu, lorsque, ramené par sa tendresse, il rentra dans le cabinet. Elle rougit en le re-