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LE SOPHA

le Sultan, puisque vous n’avez pas l’esprit de le voir. La première femme de mon grand-père Schah-Riar couchait avec tous les nègres de son palais. Ç’a été, grâce à Dieu, une chose assez notoire. En conséquence de ce, mon susdit grand-père, non seulement fit étrangler celle-là, mais toutes les autres qu’il eut après, jusques à ma grand’mère Schéhérazade, qui lui en fit perdre l’habitude. Donc, je trouve fort peu respectueux que l’on vienne, après ce qui est arrivé dans ma famille, me parler de nègres, comme si je n’y devais prendre aucun intérêt. Je vous passe celui-ci, puisqu’il est venu, mais qu’il n’en vienne plus, je vous prie ! »

Amanzéi, après avoir demandé pardon au Sultan de son étourderie, continua ainsi :

— « Ah ! Massoud, dit Aminé à son amant, que j’ai souffert d’être deux jours sans te voir ! Que je hais le monstre qui m’obsède ! Qu’on est malheureuse de se sacrifier à la fortune ! »

« Massoud, à tout cela, répondait assez peu de choses. Il lui dit cependant que, quoiqu’il l’aimât avec toute la délicatesse possible, il n’était pas fâché qu’Abdalathif eût pour elle des attentions. Il l’exhorta ensuite à faire tout ce qui serait convenable pour le ruiner, et se livrant après à toute la fureur des caresses d’Amine, ils commencèrent une sorte d’entretien dont la joie de tromper Abdalathif aug-