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LE SOPHA

« Comblé d’une faveur que, dans les termes mêmes où ils en étaient ensemble, il n’osait pas encore espérer, il voulut chercher dans les yeux de Phénime quel devait être son destin. Elle avait toujours la tête appuyée sur sa main ; il s’en empara doucement, et Phénime en se découvrant le visage, le laissa voir couvert de ses larmes. Ce spectacle émut Zulma au point d’en verser lui-même.

— « Ah ! Phénime ! s’écria-t-il, en poussant un profond soupir.

— « Ah ! Zulma ! » répondit-elle tendrement.

« En achevant ces paroles, ils se regardèrent, mais avec cette tendresse, ce feu, cette volupté, cet égarement que l’amour seul, et l’amour le plus vrai, peut faire sentir.

« Zulma enfin, d’une voix entrecoupée par les soupirs, reprit la parole :

— « Phénime, dit-il avec transport, ah ! s’il est vrai qu’enfin mon amour vous touche et que vous craigniez encore de me le dire, laissez du moins à ces yeux charmants, à ces yeux que j’adore, la liberté de s’expliquer en ma faveur.

— « Non, Zulma, répondit-elle, je vous aime, et je ne me pardonnerais pas de vous retrancher rien d’un triomphe que vous avez si bien mérité. Je vous aime, Zulma ; ma bouche, mon cœur, mes yeux, tout doit vous le dire, et tout vous le dit… Zulma ! mon cher