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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/77

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LE SOPHA

Zulma ! je ne suis heureuse que depuis que je peux vous apprendre tout ce que je sens pour vous ! »

« À des paroles si douces et si peu attendues, Zulma pensa mourir de joie. Dans quelque égarement qu’elle le plongeât, il n’oublia pas que Phénime pouvait le rendre plus heureux. Quoiqu’il n’ignorât pas que l’aveu qu’elle lui faisait l’autorisait à mille choses qu’à peine jusqu’à ce moment il avait osé imaginer, le respect qu’il avait pour elle l’emportant sur ses désirs, il voulut attendre qu’elle achevât de décider de son sort.

« Phénime connaissait trop Zulma pour se méprendre au motif qui suspendait ses empressements ; elle le regarda encore avec une extrême tendresse, et, cédant enfin aux doux mouvements dont elle était agitée, elle se précipita sur lui avec une ardeur que les termes les plus forts et l’imagination la plus ardente ne pourraient jamais bien peindre.

« Que de vérité ! Que de sentiment dans leurs transports ! Non, jamais spectacle plus attendrissant ne s’était offert à mes yeux ! Tous deux, enivrés, semblaient avoir perdu tout usage de leurs sens. Ce n’était point ces mouvements momentanés que donne le désir, c’étaient ce vrai délire, cette douce fureur de l’amour toujours cherchés et si rarement sentis.

— « Ô Dieux ! Dieux ! » disait de temps en