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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/84

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LE SOPHA

l’un pour l’autre, chacun d’eux entreprenait son panégyrique, et se louait avec une complaisance, une chaleur, une vanité dont assurément leur vertu n’aurait pas dû être contente.

« Quoiqu’une maison si triste m’ennuyât beaucoup, je résolus d’y demeurer quelque temps. Ce n’était pas que j’espérasse de m’y amuser un jour, ou d’y trouver ma délivrance. Plus je croyais Almaïde et Moclès assez parfaits pour l’opérer, moins j’osais attendre d’eux une faiblesse ; mais las encore de mes courses, dégoûté du monde, sentant alors avec horreur à quel point il m’avait perverti, je n’étais pas fâché d’entendre parler morale, soit que la nouveauté dont elle était pour moi fût seulement ce qui me la rendait agréable, ou que, dans les dispositions où j’étais, je la regardasse comme une chose qui pouvait m’être salutaire.

« Malgré la rare vertu dont Almaïde et Moclès étaient doués, ils mêlaient quelquefois à la morale des peintures du vice un peu trop détaillées. Leurs intentions, sans doute, étaient bonnes ; mais il n’en était pas plus prudent à eux de s’arrêter sur des idées dont on ne saurait trop éloigner son imagination, si l’on veut échapper au trouble qu’elles portent ordinairement dans les sens.

« Il y avait au moins un mois que tous les soirs ils s’amusaient de ces peintures vives que