Page:Crébillon - La Nuit et le Moment.djvu/234

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pirs, levai au Ciel des yeux d’une tristesse à faire pleurer. Comme emporté par la force des mouvemens qui m’agitoient, je me précipitai à ses genoux, & n’épargnai rien enfin de tout ce qui pouvoit lui prouver que j’étois accablé du sacrifice qu’elle me forçoit de lui faire, & ne craignis même pas d’ajouter qu’il étoit assez vraisemblable que je n’y survivrois pas. Quand il auroit été possible que de si grandes plaintes ne l’eussent pas émûe, son amour-propre avoit été trop piqué de la facilité avec laquelle je m’étois détaché d’elle, pour qu’il ne fût pas infiniment sensible à mon retour. Elle me pria donc bien sérieusement de continuer de vivre. Je la conjurai à mon tour, s’il étoit vrai qu’elle s’intéressât à ma vie, de me recevoir encore une fois dans ses bras. Cette proposition parut l’étonner ; mais à ses regards je jugeai qu’elle ne la trouvoit pas si absurde, & même qu’elle ne m’en sçavoit pas absolument mauvais gré. Il se pouvoit aussi que la