Doutez-vous, quels que soient vos services passés,
Qu'un retour criminel les ait tous effacés ?
Sachez que votre roi ne s'en souvient encore
Que pour ne point punir des projets qu'il ignore.
Quoi qu'il en soit, partez avant la fin du jour,
Et courez à Colchos étouffer votre amour.
Je vous défends surtout de revoir Isménie.
Apprenez qu'à mon sort elle doit être unie ;
Que l'hymen dès ce jour doit couronner mes feux ;
Que cet unique objet de mes plus tendres vœux
N'a que trop mérité la grandeur souveraine ;
Votre esclave autrefois, aujourd'hui votre reine.
C'est vous instruire assez que mes transports jaloux
Ne veulent point ici de témoins tels que vous.
Sortez.
Scène IV.
Et de quel droit votre jalouse flamme
Prétend-elle à ses voeux assujettir mon âme ?
Vous m'offrez vainement la suprême grandeur :
Ce n'est pas à ce prix qu'on obtiendra mon cœur.
D'ailleurs, que savez-vous, Seigneur, si l'hyménée
N'aurait point à quelqu'autre uni ma destinée ?
Savez-vous si le sang à qui je dois le jour
Me permet d'écouter vos vœux et votre amour ?
Je ne sais en effet quel sang vous a fait naître :
Mais, fût-il aussi beau qu'il mérite de l'être,
Le nom de Pharasmane est assez glorieux
Pour oser s'allier au sang même des dieux.
En vain à vos rigueurs vous joignez l'artifice :
Vains détours, puisqu'enfin il faut qu'on m'obéisse.
Je n'ai rien oublié pour obtenir vos vœux ;
Moins en roi qu'en amant j'ai fait parler mes feux :
Mais mon cœur, irrité d'une fierté si vaine,
Fait agir à son tour la grandeur souveraine ;
Et, puisqu'il faut en roi m'expliquer avec vous,
Redoutez mon pouvoir, ou du moins mon courroux,
Et sachez que, malgré l'amour et sa puissance,
Les rois ne sont point faits à tant de résistance ;