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Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/405

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IV}}

Darius. seul

Où vais-je, malheureux ? Et quel est mon espoir ?
Qu'est devenu ce cœur si plein de son devoir ?
Quoi, j'ose violer le palais de mon père,
Moi qui me reprochais une plainte légère,
Qui m'enorgueillissais d'une austère vertu,
Je me rends sans avoir seulement combattu !
D'amant infortuné, devenu fils perfide,
J'abandonne mon cœur au transport qui le guide !
C'est ainsi que de nous disposant à son gré,
L'amour sait de nos coeurs s'emparer par degrés ;
Et, d'appas en appas, conduisant la victime,
Il la fait, à la fin, passer de crime en crime.
Lieux où je prétendais un jour entrer en roi,
Où j'entre en malheureux qui viole sa foi,
Puissent les soins cruels où mon amour m'engage,
Vous épargner encore un plus sanglant outrage !
Je ne sais quel effroi vient ici me troubler,
Mais je sens qu'un grand cœur peut quelquefois trembler.
Je combats vainement un trouble si funeste,
En vain je vais revoir le seul bien qui me reste ;
Loin de pouvoir goûter un espoir si charmant,
Je ne ressens qu'horreur et que saisissement ;
Ce cœur, dans les hasards, fameux par son audace,
S'alarme sans savoir quel péril le menace.
On vient ; c'est Amestris. Que dans son désespoir,
Mon triste cœur avait besoin de la revoir !


Scène V

Darius, Amestris.
Darius.

{{bloc centré|

Je vous revois enfin, mon aimable princesse ;
À votre aspect charmant toute ma crainte cesse.
Je me plaignais de vous ; et mon cœur éperdu,
Impatient, troublé d'avoir tant attendu,
Vous accusait déjà...

Amestris.

Si je m'en étais crue,
Vous ne jouiriez pas de ma funeste vue.